
Les yeux de l’ange
Compte rendu de la Conférence du Mercredi 5 mars 2025.
François-Xavier Pelletier – Catherine Lacroix-Pelletier – Magnolia de Oliveira
Mercredi 5 mars 2025 – 17h – 2021ème séance
Présidence Martine Gachignard – 70 participants
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Les yeux de l’ange
C’est avec beaucoup d’émotion que Martine Gachignard évoque le travail d’ethnocétologue qui a lié François-Xavier Pelletier au Docteur Duguy depuis 1978 sur les dauphins et les tortues. A suivre, la projection du documentaire d’1h 20’ « Les yeux de l’ange » de François—Xavier Pelletier, Catherine Lacroix-Pelletier, Magnólia de Oliveira pour animer la conférence.
Synopsis
20 années de recherches et d’investigation sur une symbiose exceptionnelle entre des dauphins et des pêcheurs au Sud Brésil.
Sur la côte Sud du Brésil, une communauté de pêcheurs d’origine açorienne perpétue une symbiose millénaire avec le dauphin. Avec les pêcheurs João, Latinho, Dédec … et les dauphins Chega Mais, Chinelo, Caroba… nous pénétrons dans le monde étonnant des dauphins patrons de pêche. Avant de jeter leur épervier, les pêcheurs attendent le signal des cétacés, suivant des règles bien précises, transmises respectivement par leurs parents et grands parents. En échange du service rendu, les dauphins prélèvent au passage quelques mulets dans leurs filets. Cette collaboration fertile, est symbolique d’une réelle communication entre l’homme et l’animal.
Mais de nombreuses menaces comme la pêche industrielle, la pollution , la pêche amateur, mettent en péril ce véritable patrimoine écologique et culturel de l’humanité.
Note d’intention
Tout est montré dans ce film : une vie en harmonie avec la nature grâce à une exceptionnelle relation centenaire entre des pêcheurs et des dauphins que nous avons étudiée durant de nombreuses années. Mais leur existence, des hommes comme celle des dauphins est menacée par le profit, la pollution… Elle est en voie de disparition comme a disparu la relation avec les dauphins chez les Imraguen de Mauritanie, avec lesquels FXP a vécu deux ans, dans les années 70, et qui ont été le déclencheur de sa passion pour l’ethno-cétologie.
Une sélection d’interviews extraites du film pour comprendre et faire comprendre toute la connaissance, l’expérience et l’émotion de ces hommes de la mer très attachés à cette pêche symbiotique avec les dauphins, équilibrée et durable.
Brève de pêcheur, Latinho
« Il y a beaucoup de poissons en amont. Mais aujourd’hui les botos ne travaillent pas, ils ne font que s’alimenter. Les botos qui ont remonté le fleuve ne coopèrent pas.
Botinha est montée très tôt ce matin. Chega Mais n’est pas venue. Je l’ai attendue.
C’est elle qui nous prend le plus de poissons.
Escubi est de l’autre côté. Aujourd’hui il n’est pas venu. Caroba est en bas, au port !
Si les botos n’arrivent pas nous resterons bredouilles. Ils nous rabattent le poisson. Lorsqu’ils en détectent, ils quittent leur activité pour venir travailler ici. Mais ce n’est pas tous les jours ».
Brève de pêcheur, Latinho, à propos du dauphin Chega Maïs
« L’histoire de Chega Mais est incroyable ! Après tous ces drames elle a reçu un coup de fusil. Vue la position de la balle quelqu’un a voulu la tuer ! C’est certain. J’ai eu avec elle une relation de patient à docteur. Un boto malade de quoi a-t-il besoin ? De nourriture ! Je lui ai lancé du poisson attaché à une ligne. Elle l’a accepté. Alors j’ai essayé de lui jeter du poisson mort directement dans la bouche ! Ca a marché ! J’ai ainsi pu la sauver. C’est la plus belle chose de ma vie. Tous les pêcheurs ont fini par lui offrir de la nourriture !
Alors un jour je lui ai dit : « tu te souviens quand je t’ai donné du poisson alors pourquoi maintenant tu ne m’en donnerais pas à ton tour ? »
Brève d’historien, Marega
« Durant la période de colonisation des terres, à Laguna, les Açoriens sont arrivés forts de leur connaissance de la pêche. Ils y ont découvert le boto vivant déjà dans cette région. Ce fut le début de la grande histoire de Laguna comme ville vivant exclusivement de la pêche artisanale, principalement durant la migration du « mulet de corso », en hiver, quand les bancs entrent dans le lagon pour se reproduire.
En 1935 ont été pris plus de 80 000 mulets !
La pêche à la senne, à laquelle participait la population en échange d’une part en poissons, est devenue très rare. Aujourd’hui il ne reste que le pêcheur à bicyclette, qui va à la plage ou dans le lagon en portant son épervier sur le porte bagages ».
Brève de policier de l’environnement, Terente Arlei,
« Ces filets que nous avons saisis sont tous en dehors de la maille. Ils devraient avoir une maille de 2, 2 et demi. Tout le lagon est balisé. Alors les filets en dehors de ces balises sont appréhendés. Ces filets jerival râclent le fond et prennent tous les microorganismes du lagon nécessaires à l’alimentation des crevettes et du poisson. Nous avons davantage de filets par ici, des aviãozinhas. Si nous relions tous ces filets ensemble, l’un à la suite de l’autre ça ferait une longueur d’environ 100 kilomètres ».
Brève de biologiste, Zey Antônio
« Parmi les principaux facteurs qui compromettent l’existence des botos dans nos lagunes, il faut citer les métaux lourds provenant des activités du charbon. Ces métaux, dilués dans l’eau, peuvent causer de sérieux problèmes, souvent mortels, au système nerveux de ces animaux. La pollution résultante des pesticides et des engrais utilisés dans l’agriculture est un autre facteur très sérieux qui complique l’existence de ces animaux ici. Un autre problème est « l’atafonas », le traitement du manioc. Durant cette activité un jus mortel se détache du manioc, entre en contact avec l’eau et se propage dans les lagunes, où il finit par tuer le poisson, les crevettes et les crustacés ».
Brève d’ancien pêcheur, Tido
« D’un boto ils étaient passés à 2-3 botos destructeurs et il n’y avait pas d’autre solution que de tuer ces botos sinon plus aucun pêcheur n’allait pouvoir pêcher. Et ils allaient apprendre à tous les autres botos comment détruire l’épervier et ils emporteraient d’autres pêcheurs comme ils ont déjà fait avec trois, dont l’un était mort et les deux autres secourus.
J’ai d’abord utilisé de la dynamite, mais c’était trop dangereux. Alors j’ai utilisé un harpon et j’en ai tué sept.
Après avoir tué ces destructeurs, plus jamais n’est apparu un boto avec ce comportement.
Un boto ce jour-là s’est joint au groupe des « destructeurs » et je l’ai tué au harpon par erreur. Il était innocent. j’en suis arrivé à pleurer. (il s’arrête et pleure) J’étais obligé de tuer pour défendre l’être humain, mais j’ai pleuré. Je n’aime pas me souvenir de cela. Pour moi un boto est un être humain. J’ai fait cela pour défendre le pêcheur sinon tous les botos allaient devenir assassins, tuer l’homme et faire arrêter la pêche avec les botos comme elle se pratique encore aujourd’hui.
J’étais obligé de tuer pour défendre l’être humain, mais j’ai pleuré. Je n’aime pas me souvenir de çà. Pour moi un boto est un être humain. J’étais obligé de le faire pour défendre le pêcheur sinon tous les botos allaient devenir assassins, tuer l’homme et faire arrêter la pêche avec les botos comme elle se pratique encore aujourd’hui ».
Bréve de pêcheur, Gilson
« Je ne suis pas d’accord avec çà. Les plus anciens pêcheurs de Campo Verde comme mon père, ma mère, ont été très révoltés contre lui.
Tido prétendait tuer les botos qui mangeaient dans l’épervier. Mais c’est faux ! ils le laissaient dans l’eau, remplie de poissons et partaient chercher loin les embarcations. Alors les botos avaient très faim. Pour eux c’était du poisson à manger… Ceux qui sont morts étaient de bons botos.
Si un jour un bon boto est présent et qu’arrive un mauvais boto alors celui-ci va se mettre à travailler. On n’a le droit de tuer aucun boto. Lorsque ces botos ont été tués, tout le monde pleurait !
Là en bas ils ont fait des erreurs.
Qu’est-ce que tu peux ressentir lorsque l’on tue un boto, c’est comme si l’on tuait un membre de la famille, un père, une mère, un frère. Le boto est un être cher. Sans lui on ne ferait rien. Regardes aujourd’hui, on ne prend rien ! Si un boto apparaît, en 2 pulos on va prendre plein de poissons. Donc pour nous le boto a beaucoup de valeur. Il fait partie de notre famille ».
Remerciements
Tous nos remerciements à Martine Gachignard, à la Société des Sciences Naturelles de la Charente-Maritime, au Muséum d’histoire naturelle de La Rochelle et au public averti et nombreux qui a témoigné un vif intérêt à notre film et à nos recherches.
Pour en savoir plus et/ou nous contacter : www.hommenature.com
fxpelletier@hotmail.fr / 06 72 63 07 36 catherine.pelletier17@orange.fr / 06 82 42 94 39 magnoliadeoliveira92@outlook.com / 07 88 56 35 77