La Paléontologie et la Préhistoire : passion et distraction passagères d’Emile Combes ?
Lors de la 644è séance de la société des sciences naturelles de la Charente-Inferieure, le 1er août 1872, Emile Combes donnait une communication sur « la taille de la pierre antédilivulienne par quelques peuplades de la vallée de la Seugne ». Devant une assemblée de naturalistes attentifs, il présentait une série de pièces préhistoriques, fruits de ses collectes des trois années précédentes.
Installé depuis quelques années à Pons, Combes venait tout juste d’intégrer la dite société savante présidée par Emile Beltremieux, maire de La Rochelle et conservateur du muséum d’Histoire naturelle départemental Fleuriau. Cette nomination témoignait de la gratitude des membres à l’égard de celui qui avait facilité l’acquisition des restes fossiles d’animaux découverts en 1833 dans la grotte de la Soute en possession de la ville de Pons.
Ces deux évènements distincts de quelques mois ouvraient ainsi la société des sciences naturelles de la Charente-Inférieure à la Préhistoire, treize ans après sa reconnaissance officielle (Coye, 1997). Pour le médecin pontois, ancien professeur de rhétorique religieuse, la présentation de cette nouvelle science, lui offrait l’opportunité de légitimer une réflexion politique débarrassée de toutes considérations religieuses.
Aussi, l’examen des documents conservés dans les fonds de la société des sciences naturelles de la Charente-Maritime et du muséum d’Histoire naturelle de La Rochelle, sous un angle matériel et historique, permet-il de proposer un nouvel éclairage sur la personnalité de leur auteur et sur un épisode de sa vie.
1993ème séance
Animée par Elise Patole-Edoumba – Directrice des musées et du muséum d’Histoire naturelle La Rochelle
Présidence : Martine Gachignard – 30 participants
« C’est de tout cœur et avec la meilleure volonté du monde que je voudrais vous fournir les renseignements que vous désirez sur les stations préhistoriques que j’ai découvertes dans le pays pontois et les pays voisins. Malheureusement, ces découvertes datent d’une époque dont j’ai été distrait et séparé par une si longue série d’événements et d’événements politiques, qu’il ne m’en reste plus aucun souvenir suffisamment précis. Ajoutez à ce défaut de mémoire que je ne retrouve plus, dans mes papiers, la moindre trace de notes relatives à cet objet. Car, si, avant de m’établir à Pons comme médecin dans les deux dernières années de l’Empire, j’avais pris goût à la paléontologie, comme professeur d’histoire dans le Midi de la France, je n’ai pas plus tard traité cette science avec toute la méthode et l’étendue qu’elle commande. Mes découvertes ont coïncidé avec mes visites médicales. La fortune me faisait défaut pour me permettre de sacrifier mes honoraires médicaux à mon goût, très vif d’ailleurs, pour la paléontologie. La Préhistoire n’a été pour moi qu’une distraction. » (Munck, « Lettre d’Émile Combes », Bulletin de la Société d’Anthropologie de Bruxelles, vol.40, 1925, p.108).
En 1920, le célèbre politicien auteur de la loi de 1905, Émile Combes adresse un courrier à l’archéologue belge Émile de Munck, en charge de la réorganisation des collections de préhistoire du muséum d’Histoire naturelle de La Rochelle, dans lequel il revient sur un épisode de son parcours qui l’a vu s’enthousiasmer pour une nouvelle discipline scientifique. Au-delà de sa perception d’une activité qu’il avait dû délaisser, ces quelques lignes de justification nous permettent d’approcher ce que pouvait être la préhistoire au tout début de sa création dans les années 1860-1870 : l’auteur soulève ainsi les liens qu’elle entretenait avec la paléontologie, les moyens nécessaires à sa pratique et la question de la destinée des données collectées.
Cette conférence propose d’examiner les découvertes et la démarche du préhistorien sous un prisme archéologique, épistémologique et d’histoire des sciences afin de réévaluer la place qu’Émile Combes a pu occuper dans l’émergence de la préhistoire locale. L’examen des sources conservées au muséum d’Histoire naturelle de La Rochelle et à la Société des Sciences naturelles de la Charente-Maritime et notamment des manuscrits dont deux inédits fonde cette étude.
Communiqués de la conférencière
Elise Patole a présenté avec justesse et précision l’archétype du préhistorien de l’époque utilisant une démarche empirique, une présentation liée à une relecture nouvelle des pièces archéologiques et des documents d’archives à disposition. Une analyse de la calotte crânienne, en cours, selon les méthodes actuelles d’identification –ADN- et de datation –carbone 14- devrait apporter de nouvelles informations.
Tous nos chaleureux remerciements pour ce partage des prémices de la préhistoire face à un public attentif.