Organismes benthiques des estrans rocheux de l’île d’AIX
Suite aux inventaires antérieurs de macroalgues de Lancelot (1961), et de Lahondère (1984 et 1991) ainsi que ceux de Tardy J. et Tardy B. (1977) plutôt sur les métazoaires benthiques des rochers du Tridoux et du Jamblet à l’île d’Aix, une petite équipe du laboratoire LIENSs de l’université de La Rochelle inventorie les organismes benthiques (macroalgues et métazoaires) de ces estrans rocheux au cours de six missions de Juin 2018 à mars 2022.
1998ème séance
Animation : Denis FICHET & Jacques PIGEOT
Présidence : Martine Gachignard – 50 participants
Le contexte de l’étude
Ce travail permet dans un premier temps de faire un état actuel de la biodiversité spécifique des organismes benthiques des estrans rocheux de l’île d’Aix puis de comparer ces inventaires à d’autres stations de la mer des Pertuis (Les Baleines sur Ré, Chassiron sur Oléron, Cordouan et rive droite de Gironde).
Dans un deuxième temps, la comparaison des inventaires de cette étude avec ceux réalisés antérieurement permet de noter à la fois des pertes d’organismes au cours de ces 60 années d’observations et des gains en termes de nouvelles espèces.
Notre discussion apporte des éléments de réponse en relation avec l’arrivée d’espèces exotiques et l’impact du dérèglement climatique.
Présentation de l’île d’Aix
L’île d’Aix est située au plein cœur de la mer des Pertuis entre l’île d’Oléron et l’estuaire de la Charente. Elle est abritée des houles de l’ouest par l’île d’Oléron.
De par sa situation dans le panache de la Charente, ses eaux littorales ont une turbidité très supérieure à la moyenne de 50 mg/L. La température de ces eaux oscille l’hiver en février autour de 5-7°C et l’été en août entre 21-23°C. La salinité est légèrement inférieure à celle de l’océan et peut descendre en période de fortes pluies à 25 ‰.
Les rochers du Tridoux et du Jamblet sont situés sur la côte ouest de l’île. Ce sont des banches calcaro-marneuses subhorizontales datées du Cénomanien inférieur (environ 100 Million d’années).
Méthodes de l’étude
L’échantillonnage a été réalisé au cours de six missions qui se sont déroulées en juin 2018, janvier 2019, mai 2019, octobre 2020 mai 2021 et mars 2022 lors de grandes marées. Les identifications des organismes benthiques se font sur le terrain pour la majorité des espèces ; sinon les organismes sont récoltés et identifiés au laboratoire à l’aide d’une loupe binoculaire ou d’un microscope et avec des ouvrages spécialisés. Le travail est essentiellement qualitatif.
Les résultats sont présentés sous forme de listes nominatives des différentes espèces rencontrées et classées selon les principaux taxons de WoRMS (World Register Marine Species).
Les macroalgues sont présentées par Jacques Pigeot et les métazoaires par Denis Fichet. Les illustrations photographiques sont de Jacques Pigeot et de Thierry Guyot.
Résultats, discussion et conclusion
94 macroalgues marines ont été recensées sur les estrans rocheux de l’île d’Aix soit 38,5% des 244 macroalgues des côtes de Charente-Maritime.
Notons un fonds permanent de 51 espèces dont 38 Rhodophycées (R), 8 Phéophycées (P) et 5 Chlorophycées (C).
La comparaison de nos inventaires avec ceux des naturalistes précédents (Lancelot, 1961, Tardy & Tardy, 1977, Lahondère, 1984 ; 1991) montre un fonds commun de 58 espèces dont 39 R, 12 P et 7 C. 16 espèces n’ont pas été reconnues par cette étude dont 11 R, 4 P et 1 C. Par contre, cette étude a reconnu 36 espèces, toutes des Rhodophycées non vues par les précédents naturalistes. Si nous comparons le nombre de Rhodophycées reconnues d’une part par Lahondère en 1983 et 1990 (45) et d’autre part au cours de cette étude (75), trente années plus tard, nous constatons une augmentation de 30 espèces. Sachant que la majorité des Rhodophycées sont des algues des eaux tempérées chaudes, cela traduit une méridionalisation évidente des populations algales des estrans rocheux de l’île d’Aix imputable à coup sûr au réchauffement des eaux. Sachant que les fucales sont très sensibles au réchauffement des eaux et que leurs populations sont en très forte diminution sur la totalité des estrans des côtes de Charente Maritime (notamment sur Oléron), il faut noter l’importance de leur présence au niveau du médiolittoral supérieur et moyen au Jamblet.
Cinq macroalgues exotiques ont été reconnues : 3 Rhodophycées Antithamnionella ternifolia, Caulacanthus okamurae, Melanothamnus harveyi
et 2 Phéophycées Pylaiella littoralis et Sargassum muticum. Seules C. okamurae et S. muticum compte tenu de l’importance de leur population modifient en partie le milieu.
Notre étude a permis de recenser 146 espèces de métazoaires benthiques dont 8 Porifères, 17 Cnidaires, 1 Némerte, 7 Annélides, 46 Mollusques, 40 Arthropodes, 9 Echinodermes et 10 Urochordés. Tardy & Tardy n’avaient reconnu que 95 espèces dont 43 espèces non reconnues par cette étude. Mais ils avaient identifié 14 Nudibranches alors que cette étude en a signalé 7 dont 5 nouveaux. Notons parmi les 5 Echinodermes non signalés par Tardy & Tardy , la reconnaissance de la comatule commune Antedon bifida qui n’a été notée sur nos estrans qu’en 1884 et le grand lèche-doigts blanc Pawsonia saxicola, une nouvelle Holothurie pour les pertuis charentais.
Treize métazoaires exotiques sont présents sur les estrans rocheux de l’île d’Aix ; deux seulement avaient été vus en 1977, l’huître creuse Magallana gigas et l’anémone flamme Diadumene cincta. Par suite, 11 métazoaires exotiques sont arrivés en 55 ans : 1 Anthozoaire l’anémone asiatique lignée Diadumene lineata, 2 Gastéropodes la crépidule américaine Crepidula fornicata et le bigorneau perceur japonais Ocenebra inornata, 1 Bivalve la palourde japonaise Ruditapes philippinarum, 2 Crustacés Cirripèdes la balane croix de Malte Austromobius modestus et la balane feinte Solidobalanus fallax, 2 Crustacés Décapodes le crabe à pinceaux japonais Hemigrapsus takanoi, 1 Bryozoaire Schizoporella unicornis et 3 Ascidies le botrylle japonais Botrylloides violaceus, l’ascidie cartilagineuse Corella eumyota, l’ascidie plissée Styela clava. Quatre sont très prolifiques : l’huître creuse, la crépidule américaine, la palourde japonaise et le bigorneau perceur japonais.
Notons que 14 des 18 espèces exotiques de macroalgues et de métazoaires benthiques sont originaires des côtes du Pacifique ouest (Corée, Chine et Japon).
Communiqué conférenciers
Tous nos chaleureux remerciements à Jacques Pigeot, pour une présentation très exhaustive, dans une ambiance détendue et très appréciée des participants.